Vigneron Magazine – Spécial Margaux
1 juin 2017
# Revue de Presse

À l’image de ses étiquettes jaune or tel le lever du soleil, le réveil de Dauzac est palpable, franc, net et précis. Laurent Fortin est l’artisan de cette envolée tannique.

Du réveil de Dauzac, on perçoit l’écho : tout chante ou murmure, le vent parle aux vignes, la chartreuse tutoie les abeilles, les cigognes cherchent un vieux saule et Laurent Fortin, directeur en lévitation, se passionne pour cette biodiversité :

Sur les 120 hectares courant jusqu’à la Gironde, seuls 49 sont exploités pour la viticulture, 46 en appellation Margaux et 3 en Haut-Médoc. Dans le projet de hausser notre niveau qualitatif, la vigne reste importante mais ce qui l’entoure l’est tout autant. Ainsi, on récolte de la paille donnée à un éleveur bio, celui-ci nous la rend sous forme de fumure pour le vignoble.

Seize ruches bien installées produisent une récolte de miel d’acacia en début d’été, et toutes fleurs en septembre, sous le regard des oiseaux migrateurs.

Parce que la nature est ici présente dans toute sa vérité, on laisse vagabonder ses pensées…

Cette géographie enracinée, ce paysage en ordre avec ses courbes et volumes depuis les cailloux alluvionnaires blancs, roses, ocre et noirs jusqu’aux grains de raisin violacés, sang de lilas et vert de jade, constituent le terroir de Dauzac, d’un seul tenant sur la croupe de Labarde :

On a fait des études de sols avec des coupes pédologiques pour comprendre les nuances de toutes les parcelles. Nous avons ainsi inversé l’ordre des cépages : le cabernet sauvignon règne désormais en maître, à raison de 68 % de la superficie. Pour retrouver son goût originel, on a planté des francs de pied sur un demi-hectare. Le merlot dépasse maintenant tout juste les 30 %.

Les haleines tanniques de l’estuaire deviennent des voix que rien ne tarit, sauf les éloges appuyés tant la clarté des derniers millésimes séduit le palais. Le chœur des seconds vins célèbre l’Aurore tannique qui se lève en 2013, avant de percer l’azur en 2014, 2015 et 2016 sous le regard protecteur de Philippe Roux, directeur technique :

Ce cru porte témoignage de tous les efforts déployés depuis la réalisation des nouvelles installations techniques.

En place depuis vingt-deux ans, il fait signe de s’avancer pour la visite dans les chais : 

Après un gros travail sur le vignoble, la rénovation du cuvier s’imposait.

Une construction de petits contenants de 25 ou 50 hectolitres prolonge la sélection parcellaire effectuée en amont. Montrant les cuves tronconiques de 80 hectolitres, il jubile : 

Celles-ci sont doublées pour maîtriser pleinement les températures et permettre une vinification plus homogène.

On utilise également des cuves bois de 100 hectolitres afin de faciliter le travail des levures. Une double douelle transparente sur toute la hauteur permet de visualiser le déroulement des fermentations.

CHÂTEAU DAUZAC 2015

Après avoir étrenné notre cuvier en 2014, nous étions mieux réglés sur 2015 : on a ainsi pris toute la mesure du millésime sur le plan technique, traduisant l’inflexion du nouveau style, annonciateur de grands millésimes sur Dauzac. Ce vin commence à prendre son envol avec de délicieux arômes de cassis, de myrtille et de cèdre. On sent là de très grands cabernets qui donnent plus de complexité. Les vinifications plus précises ont conforté le soyeux de la texture. L’intensité du silence vous étreint alors, comme si le mystagogue suprême qui procède à la genèse des 2015 et 2016 sortait un instant du temple pour consacrer la terre porteuse. Moment intense, magique, rare, millésimé !

Initiateur de toute cette alchimie, Laurent Fortin comprend plus que tout autre la dimension gastronomique du vin. Il convoque chaque année pour les assemblages la chef étoilée du restaurant de l’hôtel parisien Prince de Galles, Stéphanie Le Quellec :

Il lui a fallu une année d’adaptation et désormais, sur les derniers millésimes, ses conseils nous sont précieux.

Elle peut ainsi témoigner avant tout le monde du grand style du 2015 et de l’exceptionnel 2016 : celui-ci irradie de quelques étincelles violines. La parure d’un pourpre impérial laisse échapper les vertus intimes de parfums qui rehaussent la complainte intérieure du cabernet sauvignon. Ébauche olfactive, le premier nez se révèle net, profond et déjà épanoui, il allie l’amplitude, la richesse et la concentration.

Dès l’attaque soyeuse et plurielle, la bouche laisse entrevoir un équilibre parfait. Son potentiel qualitatif va s’étoffer dans les prochains mois pour devenir un vin d’exception envoûtant, vineux, profond, précis et d’une grande pureté.

Dans ce cinquième cru classé, pas de petits pas ni de pantouflage du côté de son propriétaire, la MAIF. Civilisant l’argent, le patrimoine sort de l’anonymat bancaire pour entrer dans la grande Histoire du vin, lui donnant une noblesse tannique qui devrait lui permettre d’atteindre des sommets francs de cabernet.

DENIS HERVIER Télécharger l’article : Article Vigneron Magazine, Spécial Margaux(<= LIEN)