Le Figaro Vin – Millésime 2016 : de très beaux Margaux
16 mai 2017
# Revue de Presse

Article de Bernard Burtschy (Le Figaro et le Figaro Magazine)

L’appellation Margaux joue toujours une partition un peu différente que le nord du Médoc. Dans le millésime 2015, Margaux avait joué les vedettes avec des vins de tout premier ordre. L’histoire ne se répète pas entièrement en 2016, quoique les vins ne manquent pas d’intérêt, bien au contraire. Et comme toujours, il faut compter avec des réussites individuelles remarquables.

Dans le millésime 2015, alors que le nord du Médoc est pénalisé par de fortes pluies en septembre et en octobre, Margaux est nettement moins arrosée et produit un millésime d’anthologie. En 2016, c’est un peu l’inverse. Certes, comme dans tout le Bordelais, le printemps est très pluvieux et il faut se battre contre les maladies cryptogamiques, oïdium et mildiou. Une toute petite fenêtre s’ouvre miraculeusement durant la semaine du 6 juin permettant le passage de la floraison, sinon c’était parti comme en 2013, un millésime de sinistre mémoire. Mais quand le temps sec et chaud arrive à partir du 21 juin, l’appellation Margaux souffre un peu plus que les autres.

Les graves légères et filtrantes qui font merveille dans les millésimes pluvieux, comme en 2015, engendrent des stress hydriques plus importants qu’ailleurs. Ajoutez-y un climat un peu plus chaud que dans le nord du médoc (36,4 ° à Kirwan le 23 août !) et les vignes se bloquent par manque d’eau. La mi-véraison n’est atteinte que le 10 août. Les pluies du 13 septembre débloquent un peu la situation, mais les 33 mm sont insuffisants, d’autant qu’il n’y en aura pas d’autres. Si les vieilles vignes s’en sortent, les jeunes vignes accusent le coup.

Résultat, l’appellation se retrouve avec les vendanges les plus étalées de son histoire, du 23 septembre au 18 octobre pour château Margaux, et certains sont encore allés plus loin. Pour une fois, l’appellation Margaux généralement très précoce, vendange cette année plus tard que le nord du Médoc, ce qui est rarissime.

Quoique très réussis, les vins du 2016 n’atteignent pas, en général, le haut niveau des 2015 et il a fallu faire de gros sacrifices sur les rendements. Cependant, ce n’est pas la bérézina loin de là, il a fallu se focaliser sur le cabernet-sauvignon (94 % dans château Margaux par exemple) à moins de disposer comme Kirwan des merlots sur des terroirs argileux plus froids ou un joli patrimoine de vieilles vignes comme Palmer.

À force de travail, des propriétés en pointe comme Cantenac-Brown et Kirwan ont même réussi à dépasser leurs remarquables 2015, mais ce n’est pas le cas général. Beaucoup de propriétés ont dû procéder à des sélections sévères : le grand vin ne représente que 40 % de la récolte à Brane- Cantenac et même que 28 % à château Margaux. Ce n’est sûrement pas de gaité de cœur qu’il a fallu être aussi strict, mais elles tiennent à préserver la qualité de leur vin. Ces notes de dégustation sont issues des dégustations dites « en primeurs » qui ont eu lieu fin mars, début avril 2017, le plus souvent à l’aveugle, mais pas toujours et même un peu moins cette année depuis que l’Union des Grands Crus a décidé de proscrire ce mode de dégustation. Les raisins ont été récoltés à l’automne 2016, ils ont été vinifiés et les vins sont en début d’élevage et loin d’être mis en bouteilles. Elles ne sont qu’une indication totalement dépendante de l’échantillon présenté. Nous le dégusterons à nouveau et en bouteille en 2019, puis encore en 2020 pour un avis définitif.